Proposition de la CNAMLIB

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LES PROPOSITIONS DE LA CNAMLIB

  

II I - CLARIFIER LES CHOIX ET LES RESPONSABILITÉS 

1)      La responsabilité de la politique de santé

Depuis 25 ans, la politique de santé s’est résumée à différentes tentatives d’équilibrer les comptes de l’assurance maladie, d’ailleurs sans grand succès. Aucune politique globale portant sur des choix quant au système n’a été avancée. 

Les responsabilités sont actuellement partagées de manière très ambiguë entre la CNAMTS et le gouvernement ; les organisations syndicales de salariés ont ainsi un rôle prépondérant dans la définition de la politique de santé. Cependant, on peut s’interroger sur leur légitimité pour plusieurs raisons :

On peut donc considérer que :

Ainsi la politique de santé est définie par le gouvernement et avalisée par l’Assemblée Nationale ; la gestion de l’assurance maladie est confiée à un Directeur, nommé par le gouvernement et chargé de mettre en œuvre cette politique.

Le Conseil d’ Administration de la CNAM comprend des représentants des différents acteurs du système : syndicats de salariés, de professionnels de santé, de syndicats d’employeurs, d’associations d’usagers etc.. Mais leurs avis ne peuvent être que consultatifs, la décision revenant toujours au Directeur, donc au gouvernement qui assume ses choix devant les électeurs.  

Dans ce nouveau cadre, la notion de partenariat entre les représentants des professions de santé et la CNAM n’a plus aucun sens ; le contrat doit être négocié entre le ministère compétent et les organisations professionnelles.

2) Le choix d’une politique de santé

Nous n’envisagerons ici que la médecine spécialisée de ville.

Il n’existe que deux possibilités :

·         Soit un système public avec un accès aux soins gratuits, les professionnels de santé étant rémunérés par des salaires ou un forfait, et le financement des charges des cabinets médicaux étant de la responsabilité du financeur, c’est à dire des caisses d’assurance maladie, des assurances complémentaires et/ou de l’Etat. Dans ce système, le médecin spécialiste est un exécutant même s’il peut garder une part d’indépendance concernant ses prescriptions. Sa formation et les investissements du cabinet sont payés par sa tutelle. Il n’assume donc aucune responsabilité juridique quant aux moyens mis à sa disposition. 

Dans un tel système, qui est d’ailleurs le plus fréquent dans l’ Union Européenne, un secteur totalement privé peut exister à côté, les mêmes médecins pouvant avoir une partie de leur activité publique et une autre partie privée (c’est d’ailleurs le cas, en France, dans le secteur hospitalier). 

Ce système présente l’avantage de contrôler plus facilement les dépenses et de les faire plus aisément coïncider avec le budget public dévolu à leur prise en charge. 

Il a un inconvénient majeur : toute insuffisance budgétaire se traduit automatiquement par une dégradation de la qualité des soins et un allongement des délais d’accès aux services de santé.

·         Soit un système mixte associant médecine libérale et socialisation des dépenses de santé ; c’est actuellement le cas en France. 

Dans un tel système, ce sont les professionnels qui assument les charges de leurs cabinets, les investissements et leur formation ; ils ont donc la responsabilité du niveau de leurs prestations (obligations de moyens) ; par contre les tarifs médicaux sont, au moins pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables, fixés réglementairement dans le cadre du budget dévolu à la prise en charge des dépenses de santé ; Toute insuffisance budgétaire se traduit donc par une pression sur les professionnels, tant au niveau de leurs revenus que de leur charge de travail, l’augmentation de leurs horaires annuels de travail pouvant seule pallier la baisse de leur chiffre d’affaire et donc garantir la pérennisation des investissements. 

On comprend facilement les limites d’un tel système ; tant que le budget fixé pour les remboursements des assurés pouvait évoluer dans les mêmes proportions que les dépenses de santé, soit par l’augmentation des cotisations sociales, soit par l’acceptation d’un déficit, soit par des rallonges budgétaires, il existait un équilibre financier ; Depuis des années, l’accélération des dépenses de santé sur un rythme de plus en plus soutenu, ne permet plus à l’assurance maladie de proposer des tarifs conformes aux impératifs financiers auxquels sont soumis les cabinets médicaux spécialisés ; Après le blocage des honoraires, il a même été procédé à une baisse de la valeur de certains actes, comme nous l’avons évoqué précédemment.

Aucune revalorisation économiquement raisonnable (le rattrapage des effets de l’érosion monétaire serait un minimum compte tenu de la hausse du prix de revient des actes) ne peut être envisagée alors que le déficit s’annonce de plus en plus intenable pour l’assurance maladie, donc pour le budget de l’Etat. La cause du déficit étant structurelle, aucune issue, sans remise en question du système, n’est envisageable, à court, comme à moyen terme. 

Il est donc totalement illusoire de vouloir tenter de sauvegarder un système à bout de souffle qui ne repose plus que sur la logique économique des seuls remboursements et ne prend plus aucunement en compte celle de l’exercice de la médecine libérale spécialisée. 

La confusion entre revenus des médecins et le montant de leurs honoraires ne sert qu’a masquer la réalité ; Les statistiques sur les revenus professionnels, émanant de la DGI, mélangent ceux des médecins spécialistes exerçant en secteur 1 et 2 ; elles ne reflètent en rien la problématique posée exclusivement à ceux qui sont tenus de pratiquer des honoraires opposables. Le maintien d’un revenu, voire sa progression, n’a aucun rapport avec la qualité des soins, puisqu’il suffit qu’un médecin restreigne ses investissements, sa formation et augmente sa cadence et sa durée de travail pour l’assurer. Ainsi le temps de travail des médecins secteur 1, s’est allongé de 10% en dix ans, alors que, du fait de la RTT, celui de la grande majorité des salariés a été réduit dans les mêmes proportions. La comparaison de l’évolution des revenus n’a donc aucun sens, si on ne tient pas compte de ces facteurs. 

Le temps de travail n’étant pas extensible à l’infini, cette variable a de toutes façons atteint ses limites ; les professionnels en sont conscients, c’est ce qui explique le mécontentement actuel.

Le problème est donc clairement posé :

Vers quel système veut-on s’orienter :

 

·         Si c’est vers une médecine publique, il faut l’annoncer et engager avec les professionnels de santé, la transition. 

·         Si le choix est de maintenir le système alliant médecine libérale et socialisation des dépenses maladie de ville, il faut en assumer toutes les conséquences et envisager des solutions réalistes socialement et économiquement pour concilier les deux.  

 

II – DEFINIR LE CHAMP D’ACTION DE L’ASSURANCE MALADIE 

1) définir la notion de dépense de santé           

Si on veut tendre à maîtriser les dépenses d’assurance maladie et à rationaliser le système, il faut préciser sur quel domaine des dépenses on prétend agir. 

On peut déterminer trois catégories de dépenses touchant le secteur médical de ville et singulièrement le secteur de la médecine spécialisée :

·         Les dépenses liées à la maladie : il peut s’agir de dépenses liées aux diagnostics, aux traitements ou à la prévention, la maladie étant une dégradation de la santé liée à un état pathologique caractérisé . cette définition précise est facile à gérer et couvre le champ de la maladie au sens strict si on inclut en plus la grossesse.

·         Les dépenses liées à un inconfort: ce sont les consultations et traitements liés à des conditions de vie stressantes ou à des conditions de travail pénibles etc. (insomnies, mal au dos, disgrâces physiques, lésions cutanées gênantes mais bénignes, etc.)

·         Les dépenses de consommation dans le domaine du bien être; ce sont des dépenses qui touchent un domaine large du secteur des services mais qui concerne aussi la pratique médicale (esthétique, amaigrissement en dehors de l’obésité,remise en forme etc.) 

Il devrait aller de soi que la dernière catégorie ne peut être considérée comme relevant des dépenses de santé. Nous avons vu plus haut que les critères d’inclusion étaient totalement arbitraires. 

Quant à la deuxième catégorie, elle est à la marge ; pour faire des comparatifs avec les dépenses de santé des autres pays développés, il faudrait les exclure. Pour ce qui est de leur prise en charge, c’est un autre débat. 

2) définir la notion de dépense d’assurance maladie 

La définition ne peut en être que subjective, puisqu’ il s’agit des dépenses des assurés ouvrant droit à un remboursement ; la définition n’est donc pas basée sur des critères médicaux mais sur des choix budgétaires. Ce cadre ne relève donc pas de la compétence des médecins. 

On pourra toutefois s‘étonner légitimement, alors que l’équilibre financier de l’assurance maladie est intenable, le déficit cumulé gigantesque, et que la pression est régulièrement mise sur les professionnels de santé pour qu’ils s’engagent dans des actions pour optimiser le coût des soins, que des actes relevant du pur confort et de l ’esthétique, et donc sans aucun rapport avec des dépenses de santé, ouvrent toujours droit à une prise en charge financée par le budget de l’assurance maladie. 

Il est donc clair que les notions de dépenses de santé, basées sur des critères médicaux relativement objectifs et de dépenses d’assurance maladie basées sur des choix budgétaires ne se recoupent que partiellement. 

Le champ d’action de l’assurance maladie dépend de choix politiques ; il faut donc que les critères de sélectivité soient rationalisés : budget disponible pour la prise en charge, importance des dépenses pour la santé, priorités de politique sanitaire. 

De ce choix dépendra le champ de l’action des pouvoirs publics qui doit rester limité à la partie remboursable des soins puisqu’elle concerne le budget de l’Etat, hors problèmes de sécurité sanitaire particuliers. 

III– REDÉFINIR LE RÔLE DES DIFFERENTS ACTEURS DU SYSTÈME DE SOINS 

Il existe différents échelons dans le système de santé ; chacun doit avoir un rôle spécifique. 

·         Hospitalisation publique et privée 

Seuls les hôpitaux publics disposent des moyens financiers pour avoir les équipements techniques et les personnels hautement qualifiés nécessaires à la réalisation d’interventions lourdes et d’examens sophistiqués ; leur fonctionnement est donc forcément plus coûteux que celui de l’hospitalisation privée. 

Il serait donc rationnel de ne confier à l’hospitalisation publique, d’autant plus qu’elle est surchargée par la demande, que la partie de la médecine qui correspond à ses équipements et qui ne peut être assurée ailleurs. On comprendra aisément que faire réaliser une intervention banale (appendicectomie, cholécystectomie etc.) dans une structure prévue pour des interventions chirurgicales de pointe, a un coût prohibitif. 

La mission de l’hospitalisation privée devrait donc être la partie de la médecine nécessitant des plateaux techniques et chirurgicaux qui ne relève pas du champ de l’hospitalisation publique. 

Cette approche rationnelle économiquement va à l’encontre de la volonté politique des élus locaux et des syndicats des personnels hospitaliers qui poussent constamment à l’augmentation des budgets pour étendre le champ d’action de l’hôpital public. 

Cette démarche est légitime mais illogique si on cherche à rationaliser les dépenses d’assurance maladie ; à moins de faire le choix de la disparition du secteur privé et de sortir du système de santé mixte, comme nous en avons évoqué plus haut la possibilité. 

Ainsi la revendication classique du secteur privé « égalité de traitement entre les secteurs privés et publics pour la même pathologie » n’a guère de sens ; chacun doit avoir un rôle différent. 

·         La médecine spécialisée libérale 

Une des particularités du système de santé français est le pourcentage élevé de médecins spécialistes, certains pays n’ayant des spécialistes qu’à l’hôpital. 

La tentation de certains analystes est donc de considérer qu’il y a trop de médecins spécialistes particulièrement en ville (ex « il y a plus de dermatologues en région PACA qu’au Royaume Uni »). Cette vision est très simpliste car d’une part, les actes qui reviennent à la médecine spécialisée seraient de toute manière effectués soit par des généralistes, soit par l’hôpital public d’autre part on note qu’il existe une pénurie de spécialistes touchant même les spécialités réputées pléthoriques comme la dermatologie où les délais d’attente sont, après l’ophtalmologie et la gynécologie, les plus longs. C’est donc qu’il existe une demande qui ne peut même pas être satisfaite. 

On constatera par ailleurs que le niveau de la médecine spécialisée française est parmi les tous premiers au niveau mondial. 

Encore une fois, le maintien d’une médecine libérale spécialisée remboursée n’est pas un impératif, c’est un choix qu’il faut alors assumer. 

La place des médecins spécialistes dans le cadre du système d’assurance maladie est à déterminer ; médecine de deuxième intention ? Il faudrait alors déterminer le rôle du médecin généraliste, certains actes, certaines prescriptions ou le suivi de certaines pathologies étant du seul domaine de la médecine spécialisée et le médecin traitant étant tenu de demander un avis spécilisé dans un cadre préalablement défini. 

Pour certaines spécialités particulières, pédiatrie, gynécologie médicale, psychiatrie, les aspects culturels sont incontournables quant à l’accès direct. 

Enfin, certaines spécialités sont presque exclues des études médicales générales : ophtalmologie, stomatologie, dermatologie….. 

Le rôle des spécialistes mérite donc d’être mieux défini mais dans le cadre d’une remise en cause totale de la formation et de l’activité de la médecine générale, ce qui ne peut se concevoir que sur une période de plusieurs années. Il convient cependant d’initier la démarche en responsabilisant les médecins et les assurés. 

IV – RESPONSABILISER LES ASSURÉS 

Depuis que l’assurance maladie connaît des difficultés budgétaires, la seule action en direction des assurés a été de les mettre régulièrement à contribution (augmentation des cotisations salariales, CSG, RDS) ; l’impact sur le comportement des assurés en a été négligeable et très passager. 

L‘ idée la plus communément admise par les assurés est que, puisqu’ils cotisent, ils ont le droit de se servir dans le système de soins comme ils l’entendent avec une garantie de remboursement à des taux variables suivant le secteur de la santé auquel ils s’adressent ; La grande majorité des assurés bénéficiant d’une couverture complémentaire, le coût de la santé n’est perçu qu’à travers les prélèvements et donc de façon extrêmement diffuse. 

Cet état d’esprit a été encouragé par la volonté affichée par tous les acteurs du remboursement de refuser de pénaliser les assurés, au prétexte qu’ils cotisent déjà à des niveaux élevés. On peut prendre la mesure de cette réticence en constatant le nombre d’années qu’il a fallu pour arriver à décider le déremboursement des visites à domicile non justifiées médicalement. Ainsi, à part quelques campagnes publicitaires très coûteuses mais à l’impact difficile à mesurer sur le long terme, rien n’a été fait. 

Deux notions doivent être tout d’abord bien différenciées : 

  1. Les choix des assurés

  2. L’impact de ces choix sur le budget de l’assurance maladie

1)      Les choix des assurés 

Dans une démocratie moderne, chaque citoyen doit être libre d‘accéder à tous les acteurs du système de soins comme il l’entend. 

Ainsi, on ne voit pas au nom de quel principe, on pourrait interdire à un assuré de consulter qui il veut et de limiter le nombre d’avis qu’il souhaite prendre ou de faire déplacer, pour convenances un médecin à son domicile, si le praticien est d’accord pour lui fournir ce service ; Pour prendre à contre-pied une ancienne campagne de sensibilisation de la CNAMTS, une femme enceinte a parfaitement le droit de demander une échographie mensuelle, ne serait-ce que pour se constituer un album photo souvenirs, dans la mesure ou il s’agit d’un examen anodin pour la santé.

Enfin, les aspirations au mieux-être ou au mieux paraître sont tout à fait légitimes et l’Etat ou l’assurance maladie n’a pas à se mêler de problèmes qui relèvent de choix de vie individuels. 

Cet aspect de la consommation dans le domaine de la santé est important dans notre propos car il concerne en premier lieu, et de loin, la médecine spécialisée, bien plus que les autres secteurs relevant de l’assurance maladie. 

2)      L’impact des choix des assurés sur le budget de l’assurance maladie 

Nous avons vu que la définition de la notion de dépense d’assurance maladie est uniquement politique et qu’actuellement il n’existe aucune logique dans son utilisation, ni pour ce qui concerne la santé, ni pour ce qui concerne la solidarité. 

Tant que des règles précises d’usage, non pas des soins comme on a tendance à le faire, mais de l’assurance maladie, c’est à dire d’un budget qui doit servir à la solidarité vis à vis de la maladie, n’auront pas été édictées et que les assurés n’en auront pas été clairement informés, l’anarchie dans la consommation de prestations remboursables perdurera. Il faut donc impérativement définir le champ d’intervention de l’assurance maladie, qui est une donnée qui doit rester plus ou moins constante, contrairement au panier de soins remboursables qui est une notion différente et que nous aborderons plus loin. 

Au total, la responsabilisation des assurés passe avant tout par la définition de ce qui ouvre droit à un remboursement et ce qui relève exclusivement de choix individuels que chacun doit assumer au même titre que les cosmétiques, les loisirs ou les vacances. 

V - AVOIR UNE APPROCHE ECONOMIQUE RÉALISTE DE LA MÉDECINE LIBÉRALE

Nous rappellerons tout d’abord certaines vérités économiques que beaucoup ont tendance à oublier.

L’activité libérale est une activité qui relève du secteur économique des services ; elle est donc soumise aux mêmes contraintes économiques. Les contraintes y sont même plus sévères qu’ailleurs pour deux raisons :

·         Les professionnels sont tenus d‘être en conformité avec des normes sanitaires et juridiques, la profession étant régie par un Code de déontologie médicale qui impose des obligations de moyens, notamment à son article 71.

·         Les prix des prestations sont réglementés 

1) La notion de revenu médical 

Les cabinets médicaux génèrent un chiffre d’affaire qui est la somme des honoraires encaissés, et payent des charges de fonctionnement qui sont d’une part les charges communes aux autres professions libérales (loyers, frais de personnels, consommables, bureautique) et des frais plus spécifiques correspondant à l’achat, la maintenance et le renouvellement de matériels techniques ; S ‘ y ajoutent la formation continue et l’assurance civile professionnelle qui pose un problème particulier. Les revenus des médecins ne sont donc qu’une charge parmi d’autres, figurant à la rubrique comptable (même si ce n’est pas le cas fiscalement) des frais de personnels. 

La confusion permanente entre valeur des actes et revenus des médecins est donc une hérésie économique, la rémunération personnelle du praticien pouvant varier pour un même chiffre d’affaire suivant le montant de ses autres charges notamment d’investissements et de personnels. Ainsi un médecin qui fait peu de chiffre d’affaire peut parfaitement, en choisissant de sacrifier la qualité de ses prestations se rémunérer plus qu’un autre praticien qui aurait un chiffre d’affaire élevé mais qui fournirait des prestations optimales. ; De même un médecin qui ferait de l’abattage, gagnerait plus qu’un médecin qui consacrerait à ses patients le temps nécessaire à une bonne pratique. 

Aborder l’aspect économique de la médecine libérale sous l’angle des revenus n’a donc aucun sens. D’ailleurs c’est une spécificité propre aux professions de santé ; tous les autres secteurs de l’activité libérale sont estimés uniquement sur les prix pratiqués et la qualité de la prestation délivrée. 

Pour résumer, si le montant de leurs revenus est une préoccupation légitime des médecins, il ne saurait concerner, dans un cadre où la médecine est libérale, c’est à dire fonctionne sur un mode économique chiffre d’affaire - charges, ni l’assurance maladie, ni aucun des autres acteurs du remboursement. 

2) L’évolution des charges des cabinets des spécialistes 

Depuis des années, les charges des cabinets médicaux augmentent plus rapidement que l’inflation générale ou même que l’indice du coût des services ; les causes en sont bien connues : 

Si des solutions peuvent être envisagées pour ce qui concerne le problème assuranciel (nous y reviendrons plus loin), la première cause est une donnée qui doit être considérée comme une constante de l’évolution des charges.

Les autres charges évoluent sur le même rythme que pour les autres secteurs des services. 

Chaque décideur du système de santé ou d’assurance maladie doit bien comprendre ces données économiques élémentaires ; ce n’est pas parce que les honoraires médicaux sont pris en charge par un budget collectif, que ces réalités diffèrent des autres secteurs. D’ailleurs, les frais de fonctionnement de l’assurance maladie, bien que financés par les cotisations des assurés, sont soumis aux mêmes contraintes budgétaires, les salaires étant revus à la hausse périodiquement pour tous les employés, cadres dirigeants et médecins conseil compris, tout comme les salaires des personnels des cabinets médicaux. 

Il existe donc une logique économique de l’exercice libéral qui est totalement indépendante de celle de l’assurance maladie concentrée, à juste titre, sur les remboursements. Nier cette réalité ou ne pas vouloir en tenir aucun compte, ou faire dévier le débat sur les revenus des professionnels ne suffit pas à la gommer ; elle existe, elle s’impose quotidiennement aux médecins, elle est donc incontournable.

3)      La constitution d’un prix 

Les tarifs médicaux pour assurer la pérennité de l’activité libérale doivent donc être déterminés comme les prix des autres services. 

La valeur des actes médicaux doit donc inclure une fraction du montant des charges fixes annuelles (dont fait partie, nous le rappelons, la rémunération du médecin), et les dépenses spécifiques à chaque acte (amortissement d’un matériel technique, maintenance du matériel, consommables etc.) ; c’est ce mode de calcul qui doit être retenu car c’est le seul qui a une valeur économique réaliste. 

Le montant des honoraires peut faire l’objet d’une discussion, comme toute négociation sur les prix, mais on ne peut faire abstraction de cette base de calcul. 

La pertinence et le contenu des actes sont un autre débat que nous aborderons plus loin ; ici nous limitons notre propos à la stricte approche économique. 

Au total, si l’assurance maladie souhaite conserver, du moins en partie, des prix réglementés des actes médicaux, le critère ne peut être son seul budget. Pour fixer des prix, on ne peut pas ne prendre en compte que la seule solvabilité du client, la CNAMTS en l’occurrence ; c’est une loi économique élémentaire. 

VI- DE LA NECESSITE DE DISTINGUER BUDGET DE L’ASSURANCE MALADIE ET BUDGET DE LA SANTÉ

Nous avons exposé les différences entre dépenses de santé et dépenses d’assurance maladie. 

Le budget de l’assurance maladie dépend exclusivement des ressources basées sur les cotisations sociales et l’impôt. Il est donc totalement dépendant de facteurs macroéconomiques comme la croissance, l’emploi. Ainsi toute variation de la conjoncture générale peut améliorer ou détériorer spectaculairement ses comptes. On voit donc bien qu’en aucune façon ses ressources ne varient en fonction de critères sanitaires. 

Les dépenses de santé sont tributaires de facteurs spécifiques : morbidité, progrès techniques, nouveaux médicaments, consumérisme croissant. Ainsi une épidémie grave de grippe pèse-t-elle de plusieurs millions d’euro sur les remboursements et la découverte d’une thérapeutique pour une maladie qui en était dépourvue, crée des dépenses non prévues très conséquentes. 

Elaborer un objectif des dépenses d’assurance maladie annuel (ONDAM) et s’en servir comme budget de la santé n’a donc strictement aucun sens ; on en voit d’ailleurs chaque année le résultat. 

La logique voudrait que l’on détermine un budget prévisionnel de la santé en fonction de critères exclusivement sanitaires avec des fourchettes permettant de prendre en compte des impondérables et d’autre part de fixer un budget à l’assurance maladie en fonction des ressources disponibles (ONDAM).Ainsi l’assurance maladie pourrait adapter chaque année ses remboursements en fonction de ses possibilités budgétaires selon des priorités décidées par le gouvernement et l’assemblée nationale (priorités sanitaires, degré d’utilité des traitements et des actes, solidarité). 

On comprend bien que dans cette logique, la couverture assurée par l’assurance maladie peut varier selon ses ressources disponibles et donc selon les années. C’est le fameux panier de soins remboursables. 

Au total, c’est au budget de l’assurance maladie de s’adapter au budget prévisionnel des dépenses de santé et non le contraire !

VII- OBLIGATIONS DES MEDECINS SPECIALISTES LIBERAUX

Dans un système de santé où les honoraires médicaux sont établis sur des critères économiques réalistes, et où les assurés, ou les organismes de remboursement les payent, il est légitime que la qualité et la pertinence des prestations soit garanties, d’autant plus que les médecins étant des prescripteurs, parfois même de leurs propres actes, ils engagent de nouvelles dépenses de remboursement par l’assurance maladie et les assurances complémentaires. 

C’est d’autant plus indispensable que le patient n’a pas les moyens de les évaluer (comment pourrait il savoir si les matériels sont aux normes ou si le médecin a suivi une formation adéquate). 

Les médecins spécialistes doivent donc s’engager :

·         Dans des pratiques de bon usage des soins, étant bien entendu qu’il ne peut s’agir que d’une optimisation des coûts à qualité égale ;

·         A fournir à leurs patients la qualité des prestations à laquelle ils peuvent légitimement aspirer ; la formation et les investissements des spécialistes doivent donc être optimaux. 

La mise en place d’un contrôle de qualité doit donc être admis par tous, à la condition qu’il soit réalisé par des acteurs neutres et reconnus par toutes les parties ; ces contrôles réguliers doivent s’exercer dans une optique d’optimisation par des recommandations et des engagements (l’exemple du contrôle technique des véhicules automobiles peut être retenu : dépister les anomalies, engagement à les réparer, contrôle de vérification). 

Pour reprendre une formulation triviale, si les tarifs pratiqués doivent être réalistes, le client doit être assuré d’en avoir pour son argent. 

Il est donc tout à fait envisageable de rédiger un véritable cahier des charges, librement négocié entre les représentants des médecins spécialistes libéraux et le ministère de la santé, qui prévoit les conditions de réalisation des actes et qui s’imposerait à tous les médecins qui y adhéreraient, Il pourra être évolutif en fonction des résultats constatés chaque année. 

Par contre, on ne peut, comme on le propose régulièrement, soumettre la revalorisation des honoraires à l’obtention de résultats car, nous l’avons démontré, l’approche économique réaliste de l’activité libérale spécialisée est un préalable à la qualité. Il faut séparer prix des actes et engagements des professionnels, le non respect du contrat par des médecins devant être traité spécifiquement. 

VIII- COMMENT CONCILIER QUALITÉ DES SOINS ET SOLIDARITÉ

1)      La nécessaire revalorisation des actes des spécialistes

Nous avons exposé les raisons qui imposent de calculer la valeur des actes non en fonction du budget de l’assurance maladie mais de réalités économiques propres à l’exercice médical libéral, cette approche étant une condition indispensable à la qualité des soins. 

Nous avons aussi expliqué que le revenu des professionnels était inclus dans les charges des cabinets et donc était une composante du prix. 

 Comment peut on procéder pour fixer le prix d’un acte à sa juste valeur ?

 -          Certaines données sont connues : 

-           les tarifs actuels et les dates des dernières revalorisations ; les charges des cabinets ayant évolué plus rapidement que l’inflation, le simple rattrapage des effets de l’érosion monétaire ne saurait suffire ; il serait déjà à lui seul de 30 à 35% pour les actes techniques et chirurgicaux et de 11% pour les consultations.    

-          Les effets directs des décrets ministériels visant à améliorer la sécurité de certains actes et dont l’impact est facilement chiffrable : c’est le cas par exemple pour l’obligation d’utiliser des pinces jetables pour biopsie lors des endoscopies digestives, ou des normes imposées pour les anesthésistes qui ne doivent plus surveiller qu’une salle à la fois au lieu de trois.

-          L’impact de la hausse des primes d’assurance pour les spécialités dites à risque dont il suffit de diviser le montant par le nombre d’actes annuels propres à ces spécialités. La solution de la participation des caisses d’assurance maladie au financement direct de ces primes étant un non sens puisqu’il ne s’agit que d’une charge parmi d’autres. 

-          La comparaison des tarifs médicaux des spécialistes français avec ceux pratiqués dans les autres pays de l’Union Européenne n’est pas en leur faveur ; à titre d’exemple les consultations spécialisées y varient de 50 à 120 ¤ soit 2,2 à plus de 5 fois plus ; Dans aucun secteur de l’économie, il n’existe de telles distorsions de prix entre états membres.

-          La comparaison avec les tarifs d’autres professions libérales est aussi parlante, les avocats, architectes et vétérinaires ayant des tarifs horaires deux à quatre fois plus élevés que les médecins spécialistes, avec pour les deux premières catégories des frais moindres.

-          Quant à la comparaison avec des professions paramédicales non remboursées, elle se passe de commentaire : l’acte d’un pédicure est plus cher que celui d’un médecin spécialiste et une séance de psychothérapie est nettement plus onéreuse chez un psychologue que chez un psychiatre.

-          Enfin on pourra noter les tarifs pratiqués pour les visites de médecine du travail qui sont facturées environ 100 Euro. 

Il devrait donc être évident pour tous que les tarifs des spécialistes médicaux sont totalement déconnectés de toute autre réalité économique que l’ONDAM dont on a vu que son interprétation était discutable. 

Au total, nous estimons la revalorisation MINIMALE nécessaire à 30 à 200 % suivant les actes ; cette hausse est évidemment totalement incompatible avec le budget dont dispose l’assurance maladie pour les remboursements, sans une remise à plat du système. 

2)      Quelles pistes pour revaloriser les honoraires ? 

Plusieurs méthodes peuvent être envisagées :

·         La fixation de tarifs réglementés sur de nouvelles bases, conformément aux indications fournies plus haut ; les remboursements étant revus pour pouvoir solvabiliser le budget de l’assurance maladie ; la valeur des honoraires doit évidemment être revue périodiquement pour tenir compte de la hausse des charges ; la création d’ un indice INSEE du coût de l’exercice médical peut d’ailleurs être envisagée pour suivre au plus prêt l’évolution économique de cette activité ; D’autre part, le coût de toute nouvelle mesure administrative ou réglementaire doit pouvoir être reporté sur les prix des actes ;

·         La réouverture du secteur à honoraires libres : elle a l’avantage de permettre à chaque praticien de fixer librement ses tarifs en les adaptant à sa pratique personnelle et donc d’éviter une trop grande rigidité bureaucratique de l’exercice médical : les détracteurs de cette solution lui reprochent de remettre en cause la solidarité ou de laisser l’anarchie tarifaire s’installer : nous verrons qu’il n’en est rien ;

·         Le panachage des deux solutions précédentes avec une partie de l’activité en honoraires libres et une autre avec des tarifs réglementés et revalorisés. 

Il est clair que toute approche qui écarterait une revalorisation substantielle des honoraires resterait incompatible avec l’objectif de qualité des soins et donc avec l’exercice libéral pour qui cet objectif est un impératif. 

3)      Comment garantir la solidarité 

Tout d’abord faut il définir quels sont les buts de cette solidarité. La sécurité sociale a été créée pour permettre à chacun d’être assuré contre les aléas de la vie quelque soit son revenu : accidents, maladie, chômage etc. C’est un élément de cohésion sociale indispensable

Chaque français ou étranger résidant en France doit pouvoir accéder au système de soins pour faire face à la maladie et nul ne doit devoir renoncer à des soins indispensables à sa santé pour des raisons financières.

Ces principes étant rappelés, on peut faire plusieurs remarques :

-          la solidarité ne concerne que la maladie, c’est à dire la prévention, le diagnostic et le traitement d’états pathologiques ; Il n’y a pas plus de raison qu’elle s’étende aux autres champs de la santé, comme les soins de confort, qu’aux loisirs ou aux autre domaines du bien–être. L’assurance maladie est libre de prendre en charge ce qu’elle souhaite, mais il ne s’agit pas alors de solidarité vis à vis de la maladie.

-          La solidarité s’exerce par essence vers ceux qui en ont besoin, c’est à dire les personnes les plus défavorisées ; un système solidaire ne peut donc être uniforme pour tous quelque soit le revenu au risque de remettre justement en cause cette solidarité faute de moyens.

-          La solidarité n’implique pas que chacun puisse se servir à discrétion gratuitement dans le système de soins ; elle sous tend une responsabilisation de ceux qui en bénéficient. 

Que peut on déduire de ces remarques :

·         Il n’ y a aucun motif d’ordre social pour que l’assurance maladie impose des tarifs uniformément bas pour des raisons d’optimisation budgétaire pour tous les assurés, alors que certains disposent de revenus les rendant largement solvables et que certaines entreprises offrent à leurs employés, surtout membres de l’encadrement, une couverture maladie très large.

·         Il n’ y a aucun motif d’ordre social pour que l’assurance maladie rembourse sur la même base tous les assurés quelques soient leurs revenus

·         Il n’y a aucun motif d’ordre social pour que l’assurance maladie prenne en charge à l’aveugle tous les frais engagés par des assurés, quelle qu’en soit la raison. 

On s’aperçoit donc facilement que

·         D’une part, si on replace le rôle de l’assurance maladie dans sa vraie vocation, il existe des marges budgétaires énormes qui peuvent être affectées à une meilleure couverture solidaire des assurés les moins solvables, à l’amélioration des comptes et à la défense de la qualité des soins.

·         D’autre part, il existe une large place pour les assurances complémentaires pour la prise en charge de ce qui ne relève pas de la solidarité (certaines grandes mutuelles d’agents de l’Etat remboursent d’ailleurs des actes à but purement esthétiques hors nomenclature et la plupart prennent en charge les frais supplémentaires de chambre particulière pour les hospitalisations), et de la part des actes qui ne peuvent, pour des raisons strictement budgétaires, être pris en charge par l’assurance maladie. 

C’est le cas des soins dentaires et de l’optique ; on pourra remarquer d’ailleurs que certains s’offusquent de dépassements d’honoraires minimes des ophtalmologues mais acceptent de rembourser des sommes bien plus conséquentes pour des montures de lunettes qui sont des accessoires que l’on pourrait qualifier de purement « vestimentaires ». De plus en plus d’assurances complémentaires proposent le remboursement des dépassements d’honoraires, certaines bénéficient à l’ensemble des salariés de certains secteurs. 

La faible part que constituent les honoraires des médecins spécialistes dans les dépenses d’assurance maladie permet de penser raisonnablement qu’une hausse des tarifs dans les proportions évoquées plus haut ne se traduirait que par une hausse minime des primes d’assurance complémentaire que nous estimons de l’ordre de 3%. 

Les assurés non solvables bénéficient de la CMU qui est la définition même de l’Assurance Maladie de Solidarité Nationale : Pour ces patients, les médecins ne facturent aucun dépassement d’honoraires et continueront à le faire car le Code de Déontologie médicale les y oblige sous peine de sanctions disciplinaires. 

La CMU, base de l’égalité d’accès aux soins pour tous, ouvrirait droit au panier de soins actualisé chaque année ; elle pourrait être gérée par une Commission Permanente ad-hoc de l’Assemblée Nationale qui en définirait les limites tant pour l’ouverture des droits que pour l’étendue de la couverture en fonction des ressources disponibles.

Pour les autres assurés, une aide dégressive à la souscription d’une couverture maladie complémentaire en fonction des revenus est tout à fait envisageable.

Enfin, les médecins spécialistes pourraient renoncer à la participation des caisses à leurs charges sociales personnelles, ce qui économiquement n’a aucun sens, débloquant ainsi des marges budgétaires supplémentaires qui pourraient être affectées aux remboursements. 

4)      Empêcher l’anarchie tarifaire

La possibilité pour les médecins spécialistes libéraux de facturer des honoraires conformes aux normes économiques de leur activité ne signifie pas que le laxisme tarifaire le plus débridé soit autorisé. 

Chaque médecin n’est pas libre d’exercer en dehors de toute règle car il exerce une profession réglementée par un Code de Déontologie qui a valeur de loi. L’anarchie tarifaire est par définition répréhensible car hors du domaine du tact et de la mesure.

Dans les départements où les médecins exerçant en secteur à honoraires libres sont très majoritaires ou dans les départements où les dépassements d’honoraires sont tolérés depuis longtemps, il n’existe pas d’anarchie tarifaire (sauf quelques cas isolés, correspondant à des comportements déviants, propres à toutes les professions), mais des honoraires opposables raisonnables, acceptés par les patients, et remboursés par les mutuelles ou assurances complémentaires. 

On peut d’ailleurs remarquer que le montant des tarifs d’honoraires libres facturés sur un bassin de population, se situe dans des fourchettes étroites d’un cabinet médical à l’autre ; Sans aucune autre règle que le Code de Déontologie, les dépassements restent donc spontanément raisonnables.    

De plus, la plupart des organisations de la CNAMLIB ont établi des règles de bonne conduite tarifaire pour leurs adhérents. 

On peut donc essayer de faire confiance à la profession pour écarter le supposé problème de l’anarchie tarifaire. 

IX – LE PROBLEME DE LA JUDICIARISATION

L’évolution de l’approche juridique de la responsabilité médicale est devenue un problème essentiel; Le nombre de plaintes enregistrées par les compagnies d’assurance augmente significativement chaque année et les jugements des tribunaux sont de plus en plus défavorables aux médecins avec des montants d’indemnités accordées aux plaignants toujours plus élevés. 

C est une constante de la société actuelle de refuser le risque médical comme une fatalité, même en dehors de toute faute avérée des professionnels. On peut légitimement penser que cette évolution ira en s’amplifiant. 

Les conséquences sur l’exercice médical spécialisé sont doubles. D’une part, la notion de perte de chances pour le patient oblige les médecins a avoir le niveau de matériels techniques et de personnels le plus élevé possible, ce qui renchérit le coût de la réalisation des actes, et d’autre part le montant des primes réclamées par les assurances couvrant la responsabilité professionnelle s’envole littéralement pour atteindre, chez certaines spécialités des niveaux compromettant l’équilibre financier des cabinets. 

La pseudo solution proposée par la CNAMTS de prendre en charge une partie de ces primes ne s’attaque pas au fond du problème car :

1)      Elle ne fait que transférer cette dépense sur le budget de l’Etat dévolu à la santé, empêchant par la même occasion d’affecter ces sommes aux remboursements.

2)      Elle ne répond pas au problème de la part qui reste à la charge des médecins et qui sera chaque année plus coûteuse et elle ne concerne que les spécialités les plus à risque.

3)      Elle isole économiquement le problème de la RCP qui n’est qu’un élément des charges de fonctionnement des cabinets médicaux, occultant le reste de la problématique économique.

4)      Elle crée un lien de dépendance économique entre la CNAMTS et les médecins, ce qui est contraire à une approche économique logique d’une profession libérale.

5)      Elle ne résout en aucune manière l’évolution inflationniste des primes de RCP

Le problème doit donc être reconsidéré au départ :

·         La fatalité est-elle un risque acceptable et dans la négative, est-ce aux professionnels de santé de l’assumer financièrement ? Les médecins libéraux sont responsables de leurs actes ; l’aléa thérapeutique est par définition indépendant de l’action du médecin. Ce n’est donc pas à lui de s’assurer contre ce risque, de même qu’un promoteur immobilier n’a pas à assumer le risque immobilier lié à des catastrophes naturelles si toutes les précautions légales ont été observées.La couverture de l’aléa thérapeutique doit donc être le fait des assurés, par exemple par une surprime des cotisations aux assurances maladie complémentaires (comme pour les risques de catastrophes naturelles couverts par les assurances habitation). 

·         L’indemnisation d’un même accident ne peut continuer à être de plus en plus élevée chaque année, en dehors de tout critère. Le législateur doit intervenir pour fixer un plafond aux indemnités accordées aux plaignants, faute de quoi, leur coût deviendra intenable économiquement, condamnant irrémédiablement à court terme toute politique de solidarité vis à vis de la maladie, une part de plus en plus forte des cotisations des assurés étant en fait détournées de leur but au profit de l’indemnisation des victimes.

X – DES REFORMES STRUCTURELLES

1)      La convention médicale

Nous ne reviendrons pas sur l’absence de tout intérêt d’une convention avec l’assurance maladie tant qu’elle est gérée par des syndicats de salariés. 

L’esprit de la convention médicale doit être totalement repensé : 

·         L’absence de tutelle : les médecins libéraux exercent une profession indépendante tant sur le plan économique que juridique ; la notion de tutelle, autre que déontologique, assurée par le Conseil de l’Ordre des médecins, ne peut donc être retenue. 

·         La disproportion totale des rapports médecin-Etat ou médecin-CNAM ne permet pas de créer les bases d’un réel partenariat. 

Ainsi, certaines règles doivent s’appliquer à la rédaction d’une convention :

-          Aucun des partenaires ne peut avoir d’exigence vis à vis de l’autre que le respect du contrat signé. 

-          L’absence d’accord ne peut entraîner de préjudice pour une seule partie, comme c’est le cas avec le RCM ; les deux parties doivent être traitées sur un pied d’égalité strict. On ne peut donc pas faire pression sur une seule partie pour l’amener à signer le texte de l’autre partie. 

- L’octroi de subventions à des organisations syndicales représentant les médecins libéraux ne peut être conditionnée à la signature d’une convention ; seule leur représentativité, c’est à dire leur nombre d’adhérents, ou les résultats des élections professionnelles doivent être pris en considération. Aucune organisation ne doit pouvoir être intéressée financièrement à la signature d’un texte. 

-          Aucun des partenaires ne peut sanctionner l’autre ; en cas de litige c’est à la juridiction compétente de trancher, comme dans tout partenariat commercial. Les infractions constatées à la convention doivent relever du droit commun ; Aujourd’hui, les CPAM constatent les infractions, les qualifient et prononcent des sanctions ; le médecin peut utiliser des recours mais les sanctions ne sont même pas suspensives. C’est une situation d’abus de droit caractérisé où les caisses sont juge et partie. 

- Le respect des termes de la convention est de la responsabilité de chaque partie :ministère ou CNAM et organisations professionnelles de médecins libéraux ; On ne peut donc pas considérer comme une partie, chaque médecin pris individuellement car alors les rapports sont totalement disproportionnés. En cas de litige sur le comportement d’un médecin, c’est aux organisations professionnelles de se retourner contre lui car ce sont elles qui sont responsables de l’application par les professionnels du texte qu’elles ont signé. Tout litige doit faire l’objet d’une procédure de conciliation par un acteur neutre, puis en cas de désaccord persistant, être porté devant la juridiction compétente qui tranche et qui pourrait être d’ailleurs le Conseil Départemental de l’Ordre des médecins dont les prérogatives pourraient être étendues. 

En résumé : La CNAM ou le Ministère signe avec les organisations professionnelles, un texte conventionnel qui est un vrai contrat entre partenaires, les médecins confirment leur adhésion à ce contrat auprès des organisations professionnelles, chaque partie est responsable de l’application du contrat.

Plusieurs étages peuvent être envisagés pour ce qui concerne la médecine spécialisée : 

-          la fixation d’un cadre général discuté entre les représentants des médecins et le gouvernement qui peut être représenté par le Directeur de la caisse nationale puisqu’il met en œuvre la politique décidée par le gouvernement. Ce cadre s’impose à tous les médecins conventionnés

-          Des dispositions plus spécifiques discutées avec les autres acteurs du remboursement (mutuelles, assurances privées) ; elles font l’objet de contrats avec les représentants de la profession mais s’appliquent uniquement sur la base du volontariat. 

-          Il existe des différences importantes d’exercice suivant les régions et les départements ; la décentralisation envisagée par le gouvernement qui devrait concerner le domaine de la santé doit prévoir la possibilité pour les organisations régionales et départementales de médecins spécialistes de signer des contrats locaux, basés aussi sur le volontariat. La reconnaissance sur le plan réglementaire des associations locales de médecins spécialistes, présentes déjà dans plus de la moitié des départements français et nettement représentatives (10 à 95% des médecins libéraux spécialistes suivant les départements, avec une moyenne de plus de 30%) est indispensable. Elles doivent devenir les interlocuteurs officiels des caisses primaires car elles sont la garantie de l’implication des médecins spécialistes dans le cadre conventionnel. Elles sont les seules à pouvoir organiser la mutation indispensable de la médecine libérale spécialisée par bassins de population. 

2)      le rôle du Conseil de l’Ordre des Médecins 

Si les compétences et la représentativité des conseils départementaux de l’Ordre des médecins ne posent guère de problèmes, les positions du Conseil national ont souvent été contestées et son existence même remise en cause. 

Seul une réelle représentativité de l’ensemble de la profession pourrait légitimer ses positions ; jusqu’ à ce jour, on peut noter que le poste de président de l’Ordre national a toujours été occupé par un professeur des universités, souvent d’ailleurs à la retraite ; il ne peut parler au nom de l’ensemble des médecins pour ce qui concerne l’éthique et l’opportunité des réformes, d’autant plus qu’il est souvent ignorant de la réalité de l’exercice libéral. 

Le Conseil National de l’Ordre doit donc être réformé, en incluant pour moitié des hospitaliers et pour moitié des libéraux, la présidence devant faire l’objet d’une alternance entre les deux collèges. 

3)      les réseaux de soins et les sociétés de médecins

L’exercice de la médecine est de plus en plus technique et spécialisé, la prise en charge globale des malades est appelée à demander un nombre croissant d’intervenants ; la restructuration de la médecine libérale en réseaux est devenue incontournable. 

La technicité croissante impose des coûts de fonctionnement de plus en plus élevés : cette tendance s’amplifiera à l’avenir. Seule un regroupement des ressources financières des cabinets permettra d’y faire face. 

La fiscalité et la réglementation de la profession doivent donc être revues, et l’investissement encouragé. 

XI – CONCLUSION 

Une certaine approche de l’assurance maladie et des rapports entre les organismes chargés du remboursement et les médecins libéraux, singulièrement les spécialistes, est arrivée à son terme. 

Cette évidence n’est pas le résultat d’un débat idéologique mais d’une évolution générale de la société et de son rapport avec la santé au sens large. Les conséquences économiques pèsent tant sur le budget de l’assurance maladie que sur l’équilibre financier des cabinets médicaux des médecins spécialistes. Refuser ces réalités est le meilleur moyen de condamner tout le système de solidarité vis à vis de la maladie car on ne pourra obliger une profession à exercer en faisant abstraction des contraintes économiques auxquelles elle doit faire face quotidiennement. 

Le système doit être refondé en prenant en compte les responsabilités et les obligations de tous les acteurs. 

Le temps des tergiversations et celui des slogans (« les médecins ne sont pas les plus à plaindre », « les revenus des médecins progressent plus vite que ceux des salariés », « les gaspillages en médecine de ville sont très importants ») qui ne font aucunement avancer le débat et n’ont rien à voir avec la problématique posée, est dépassé. 

Nous sommes à la croisée des chemins et les médecins spécialistes libéraux, de plus en plus nombreux à comprendre les enjeux,vont avoir rapidement à faire des choix décisifs . 

Le gouvernement dispose d’une opportunité unique, un ministère réunissant pour la première fois la santé et l’assurance maladie et une attente très forte des professionnels (qui ne se limite d’ailleurs pas aux seuls médecins spécialistes libéraux).

Soit dans les mois qui viennent les problèmes réels seront pris en compte, soit les médecins spécialistes libéraux devront unilatéralement en tirer toutes les conséquences quant aux mesures à prendre pour sauvegarder leur outil de travail dans des conditions conformes à leurs obligations juridiques, déontologiques et économiques. 

L’évolution de la profession est indispensable et surtout inéluctable pour les médecins comme pour les patients ; elle se fera avec ou sans l’assurance maladie. La responsabilité de la décision appartient exclusivement aux pouvoirs publics.